Pas de hasard à Zanzibar (hé hé)
De nouveaux amis sont arrivés jusqu’à nous et la Lady était ravie. Moi de même. Ils sont venus, ils sont tous là, de tous pays.
Gérard a débarqué en fanfare, mi chants de marins, mi folk celtique, accordéon manié respect où l’instrument de musique traduit la passion du compositeur comme celle de l’exécutant. Trainantes mélopées, chansons d’océans farouches, défis de gabiers.
A la nuit tombante, Vincent , viole de gambe sur la plage à peine frisolée de vagues où la nuit indienne piquetait ses étoiles,préludait une pièce de Marin Marais, insolite intégration d’étranges étrangetés mélodiques en terre zanzibarienne. « La viole devrait être pratiquée en présence de dames, parce qu’elle prédispose l’individu à toutes sortes de pensées » écrivait Baldassare Castiglione en1528.
L’après midi, Lau s’était rendue au bord de l’eau, quittant un moment son expo de fleurs de ville, pour se concentrer sur la vie picturale de deux barques échouées. Colorées de tonalités et d’ensoleillement cru.
On annonçait sans trop y croire l’arrivée de Cath, la Princesse de Monterrey y Lopez. On comprit qu’elle était dans les parages lorsque sur la route longeant la plage, défila une longue cohorte de camions bâchés. Direction sa résidence d’éternel été pour y déposer ses dizaines de malles cabine. On l’aperçut derrière ses lunettes noires, souriante et active.
Elle avait pris du retard pour les conséquences qui auraient pu être fatales causées par la traduction hâtive d’une histoire douanière de frais de porc et de taxes de porc.
« Yenapa » affirmait le préposé haschischin avide de bakchich. « Ya pas de porc » ajouta-t-il, muslim jusqu’au bout du bout.
Comme l’agent dévoué limite servile de la princesse s’interposait, un gradé supérieur s’avança et lâcha sur un ton sec comme un coup de trique, « Tais-toi, agent dévoué limite servile, et bakchich le préposé, étranger. Apprends que l’insolence blasphématoire coûte 10 minutes de lapidation de catégorie B et 25 coups de trique de catégorie C tous les 15 jours durant 1 an avec interdiction de quitter le territoire ». Puis il tourna les talons. L’agent, qui avait vu le cochon de Gaza, se gratta le menton. Puis le fond du pantalon, puis le talon, etc.… Il conclut à une Zanzibizarrerie.
Naviguant ras la côte à s’échouer, les dhows transportaient autant de fret que de pêche fraiche.
« Le dhow n’est autre que le boutre », confia Henry 2 M, baroudeur éternel et expert en zaroug contrebandier qui s’était nonchalamment introduit dans la tribu. Calme et fascinant, Il en énuméra les variétés qui naviguent entre l’Arabie et l’Inde : baggala, ganja, sambouk, jahazi de Zanzibar, jaliboot, bhum et bien sur zaroug.
Histoire de me dégourdir la langue de cette énumération, je lançais finement « j’ai connu un ganja qui transita une fois vers la Jamaïque et qui s’appelait Bob Marley » Flop total, black out de la honte, la Lady me donna un coup de son haut talon pointu. Chacun de mes amis présents, levant les yeux aux cieux, me lança sur différentes tonalités : « on t’aime bien mais fais pas le malin ! »
Je ravalais mon amertume et contemplais les cargos surannés dont le souvenir, dès que le déséquilibre ambiant me perturbait, aidait à me dégager du présent. L’imparfait du passé est plus affaire de souvenirs personnels que de mémoire collective.
Et voila Vincent qui vient à mon aide : « quand on fait dhow dhow, faut-il 2 dhows ? » Je me précipitais dans la brèche : « oui, et c’est beaucoup plus moelleux que sur un moellon de Moëlan »
Reflop, Vincent bouche bée.
« Moëlan (29 S), petit port du 29 S, qui tient son nom de Moë, un moine breton du VIe siècle d’origine irlandaise, et de lann (monastère) »
La Lady lance : « tu me parais fatigué ? Que t’avons-nous fait ? Pourtant nous t’apprécions bien pour participer au Saba Refit ! Trop de pression, mon garçon ? Go to dodo, fissa !)
Tête basse, je rejoignais ma cabine en me récitant chantonnant
« Tu te barres pas de Zanzibar par hasard, ça te fout le bazar, un truc bizarre ».
J’eus une vision : au bord de la plage, un cheval refusait de se mouiller les paturons et, tel un ballon, flottait dans l’air !
Photos d’origines diverses dont une de Myriam