« Tempête dans un verre d’eau n’a jamais coulé un seul bateau ! »

Le yacht de Lady Taud est ancré bien abrité dans un aber du Bosphore. Entre Bosphore et Dardanelles, ledit « passage de la vache » populaire ou plutôt pour les « antiquaires », le Pont-Euxin de ce bon vieux Darius qui voulait foutre la pâtée aux Scythes.

Bref, ce matin, je suis monté sur la crête de la falaise au vent. Wouaouh ! Ça souffle et ça brafougne comme si les esprits qui bienveillent la terre étaient en colère.

– En colère contre qui, grand dieux ? lançais-je en refermant soigneusement la porte du doghouse cosy ; ivre de vent, je parlais fort et connaissais d’avance la réaction de la Lady qui prit son temps avant de répondre :

– Contre ces gouvernements d’arrivistes aussi pédants que péteux d’incapacité, qui nous amènent direct à la guerre pour refaire une santé à l’économie ! …

Elle sort de sa réserve souvent lourdement sentencieuse de nantie protégée pour crier :

… dont ils sont les esclaves. Ils s’illusionnent d’être paradoxalement des Spartacus avec la défiance farouche de froisser leurs costumes guindés en combattant dans l’arène.
Bloody human shits !

Donc, les décibels de la tempête survoltaient la lady.

D’autant plus que les bourrasques s’agrippaient à la mature en imprimant des coups de gite désagréables pour la stabilité des verres et du couvert. Mauvaise impression d’être à l’abri du bruit mais cependant malmené par les éléments. Magie inquiétante des grands carrés rassurants confrontés au mauvais temps qui fait sa vie de son côté. Ronchonnait d’être le jouet du vent, la lady. Alors, elle raconta la vie d’elle et celles des siens. Matriarcats successifs où l’homme possessif vaquait à sa fortune tandis qu’épouses et filles tenaient la maison et faisaient son histoire. Des mâles uniquement géniteurs de femelles. Chromosomes et statistiques. Les générations aux patronymes changeants s’étiraient dans le temps. Avec la passion génétiquement partagée d’aller naviguer.

Et de construire des voiliers aux flottaisons plus longues que les houles de grand large.

– Mes hommes à moi, grands pères, pères, frères, cousins, ancêtres et même maris et amants se déplaçaient comme des pachydermes assurés qu’aucun tort ne pouvait leur être causé. Idem en amour, pesants et victimes parfois risibles des pulsions qui perturbaient la lourde suffisance de leurs quotidiens linéaires.

Elle lève les yeux vers la photo des gars ballotés qui travaillent à réduire la basse voile: – Sans doute aurai-je pu aimer l’un de ces hommes perchés trempés, … en sabots à serrer la toile, agrippés de rage aux sursauts des mats, calmement terrifiés de leur saut ultime, chute mortelle sans témoins ni filet. Pas d’autre choix dans ces temps et sur ces terres reculées, que faire matelot et gabier, d’agripper le marchepied avant de glisser et se perdre dans l’eau. J’en aurais eu un, je les aurais tous aimé. Préciosité contre rugosité, peut-être, … Don de soi et sans doute devenir devenir ex-voto.

Mais la naissance est destin. Natif de palais ou bambin de penty, l’issue est identique, seuls les moyens d’y parvenir diffèrent. Sauf le matelot et son bateau : trou dans l’eau pour l’homme comme pour le bateau démantelé sous les coups de boutoir des vagues, démembré par le ressac aux galets fuyants.

– Ami, servez-moi un brandy. Et feuilletons front contre front ces albums jaunis.

 Elle éclate de rire ! Je vous ai bien mystifié ami !

Charles aussi qui me cherche et me guette : « Par où est-elle sortie ? »

Il est des jours où la lady m’énerve particulièrement, ma pomme & factotum aux yeux énamourés de cocker golden. Ce jour-là particulièrement est à marquer d’une épave blanche de concrétions parmi les dates agaçantes.

Elle l’a compris et lance avec ce sourire qui m’inonde :

– La semaine prochaine, on part pour … elle fait tourner le globe … Zanzibar !

Hommage à Roland de La Poype, pilote de Normandie-Niemen et Compagnon de la Libération.

Les officiels gouvernementaux qui se déplacèrent pour les funérailles du comédien Christian Marin, pilote de fiction dit Laverdure, n’ont guère bougé pour celles de ce dernier témoin de l’aviation antique. Mais les valeurs des héros antiques agacent les voleurs de privilèges gouvernementaux.