La Villette-Québec

 Ce matin la Lady émergeait d’un sommeil perturbé par la trop longue sieste de la veille.

-«Je déteste les nuits blanches causées par le manque de sommeil».

-«La notion de manque de sommeil n’est pas la même pour tous !» répliquais-je, en faisant valoir que toute la nuit j’avais repris le amarres au gré des marnages et des coups de pamperos locaux.

Elle leva vers moi sa tête franchement ébouriffée mal lunée :

-«Pourquoi utiliser le même terme de manque pour exprimer l’absence par allitération ou celle par excès ; les cycles déraillent dans les deux cas et laissent les trait tirés».

C’est comme marginal, pensais-je, marginal de quelqu’un ou plutôt de quelqu’une (Marginal : qui vit en marge de la société ou bien qui expose des idées partagées par un petit nombre).

La princesse vaporeuse reprend :

-«Vous ai-je annoncé que je me rendais au mariage d’une lointaine cousine bretonne qui s’évertue à vivre dans la tradition…»

– «Tradition qu’un peuple aussi identifiable que les Celtes peut revendiquer, chère !».

– «Certes, oui-da, justement, je mets à profit mon voyage pour aller visiter l’exposition GAULOIS à La Villette à Paris. J’y suis invitée – je ne sais par quelles méandres lutétiennes – lors d’une visite privée officielle».

-«Superbe, vous allez côtoyer les politiques en campagne ?».

-«Que nenni, j’ai la liste et aucun candidat majeur ne parraine ni n’y participe. Je m’interroge quant à leurs envies de connaître les fondements de notre Gaule et de ses habitants. Mais il est vrai que du Hongrois et du Hollandais, on peut penser que les racines de la France leur sont génétiquement étrangères».

-«Mais ils vont être élus, du moins l’un d’eux ? feignais-je de m’étonner».

-«Cher, entre la mondialisation, les pathologies personnelles et la petitesse avide de l’appareil à laquais, le chef n’est plus l’être sauveur, protecteur, avisé et altruiste qui prend spontanément le pouvoir parce qu’il est l’individu de la situation !».

-«Oseriez-vous dire que se faire élire est un acte totalement étranger à celui de gouverner ?».

-«Oseriez-vous dire le contraire ? rit-elle. C’est une partie de cette « fiction collective qu’est l’Etat », dirait ce bon vieux Pierre Bourdieu !».

Je réfléchissais aux jours que j’allais passer seul en priant pour qu’elle me laisse l’usufruit de son yacht au luxe extrême.

-«Que préférez-vous, hombre : rester à bord pour contrôler les amarres ou m’accompagner ?».

-«Vous accompagner, lady, assurément !».

-«Après la Bretagne, nous partirons pour Québec».

Si j’avais les ailes d’un ange, je partirais pour Québec, fredonnai-je, totalement ravi vu que la connaissance du grand froid y est meilleure que chez nous.