Souvenirs d’un enfant
Olivier Lecerf, of Shangaï, fils d’ Alain et sûrement le premier enfant, avec ses frère et soeur, à naviguer sur ex Manika aujourd’hui Saba, nous livre ses meilleurs souvenirs à bord de cet exceptionnel canote…
Quelques passages mémorables pour un gamin mousse entre 9 et 13 ans…
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1967 – Remontée du bateau de Hyères à Deauville.
Ah! Ces fameux alizés portugais : trois jours de près (ou était-ce quatre) par force 5-6, la tête dans le seau la majorité du temps. Heureusement que notre Père le Capitaine était là pour nous ramener dans le droit chemin marin. Prend la barre ça ira mieux (tu parles)! D’où mes premiers ébats dans le “multitasking”: barrer de la main droite, et tout en surveillant le compas, se vider la tripe dans le seau tenu dans la main gauche… position symétrique pour le tribord amure.
Le passage en Manche
Nord Bretagne. Gris, humide, mais quelle pêche: au moins une quarantaine de maquereaux en moins de 2 heures. Le mousse les a tous vidés et nettoyés, car le Capitaine avait bien dit “ qui pêche nettoie !!!”. Je pense que son but non avoué était en fait d’essayer de réduire le temps de pêche du gamin car la ligne de traîne, c’est quand même ½ nœud de moins ! C’était évidemment sans compter sur l’attrait irrésistible de cette activité quand on a 9 ans…
Hiver 68..ou était-ce 69 ?
Le Manika fait le brise-glace dans la Marina de Deauville, sert de plateforme de chasse au canard, et s’entraîne avec son équipage pour les courses due RORC l’été suivant, ou était ce surtout prétexte pour un troisième mi-temps les samedi soirs à la Taverne Paillette au Havre
Evidemment, l’entretien d’un voilier, ça occupe les week-ends du capitaine. Mais pour les minots voileux, c’est le paradis : courses d’Optimist dans le port entre frères, sœurs et cousins, avec spis taillés dans des parachutes d’aéronavale, tangons en branche de noisetier et le multitasking de nouveau : barre entre les jambes, écoute de grand voile dans les dents, bras et écoutes de spis dans les mains. Il en restera toujours quelque chose au moussaillon qui s’assurera toujours qu’il peut mener en solitaire ses bateaux successifs…
Eté 70 ?
Coup de mistral mémorable de 50 nœuds dans les bouches du Rhône, à la cape pendant deux jours, Manika mouille dur et gite tellement que le mousse a dû éliminer dans le cire (ça tient chaud pendant une demi-heure au mieux…)… L’équipage est blanc de sel. Le point d’amure du tourmentin a cassé, et Sylvie, ma sœur (elle a 11 ans) part à l’avant à quatre pattes dans ces conditions dantesques réparer tout ça : bravo frangine, je n’en connais pas beaucoup qui y seraient allés dans ces conditions.
Tout ça pourrait ressembler à une tyrannie parentale, “child labor” comme on dit ici…. mais non pas du tout…. Le Capitaine a une technique sans failles avec ses moussaillons : si on arrive a l’heure, il garantit au moins une nuit dans un hôtel à piscine à l’arrivée, et avec plongeoir s’il vous plait. Du coup mon Frère Thierry (9 ans) me pousse à garder le grand génois lors d’un minuit à trois où nous sommes tous les deux de quart, en dépit d’une brise forcissante. Et ça débite, on marche au moins à 7 nœuds au bon plein ! Malheureusement la gîte et le bruit d écoulement d’eau augmentent et réveillent le Capitaine qui a entendu mon frère me chuchoter :
“ Garde le génois, on va gagner une autre journée à l’hôtel à piscine”….
Fin du rire, passage à l’inter…. On sera quand même à Malte à l’heure…
Les enfants, ce n’est pas compliqué quand on sait les prendre…
… »
« D’après les photos que j’ai vues, Manika est entre de très bonnes mains et je suis ravi qu’il navigue de nouveau. Je vous souhaite autant de plaisir qu’il nous en a apporte lors de nos (très) jeunes années… »
Olivier Lecerf
Voilà un article qui m’émeut ! et si un jour d’autres souvenirs vous viennent, n’hésitez-pas, nous, on est preneur !
Si vous y étiez; vous-même qui lisez ces lignes, comme équipier, comme cuisinier, comme mousse, allez-y !
Sur la naissance de Saba/Manika, la mise à l’eau, ses courses et autres anecdotes…on vous écoute ! ..