Supplices marins
Avant de reprendre la saison de navigation, je conseille aux armateurs, capitaines, parons, skippers et à leurs épouses d’inciter leurs équipages à lire ces lignes afin qu’ils ne s’imaginent pas être les maîtres à bord ad vitam aeternam.
Nous allons parler de cale. Non celle qui laisse envisager de bonnes bouteilles entreposées, ni celui – sans e – qui vient au matelot lorsqu’il tire sur les bouts’. Aux matelotes aussi mais j’en vois qui rêvent.
Attention! Les supplices de la cale peuvent entrainer de graves blessures et suffocations entrainant le décès du consommateur patient participant !
D’abord, il faudra se souvenir que ce sont les Hollandais qui ont fait la promotion de ce charmant divertissement: si votre capitaine est batave, gaffe!
La cale: celle du bateau mais étymologiquement il s’agit du verbe caler dans le sens d’« amener » une voile ou une vergue, « faire descendre » quoi. Il s’agit aussi, Émilie, du plomb destiné à maintenir sur le fond une ligne de pêche – pêche à la ligne calée ou côlée suivant le patois ou à la kalash mais je m’égare – car les condamnés au supplice de la cale étaient le plus souvent lestés d’une lourde pièce métallique pouvant servir à les maintenir un certain temps sous la surface de l’eau. Be happy sailor!
1 – La cale ordinaire dite mouillée.
Simplissime. Elle « consiste à attacher le patient à une corde, et le jeter dans la mer du haut de la vergue du grand mât, ce qui se fait une ou plusieurs fois, suivant la qualité du crime »
A pratiquer au port ou en rade au su et vu de tous. Le condamné est mené au pied du grand mât devant tout l’équipage rangé. Un boulet ou un lest métallique est fixé à ses pieds, ses poignets sont attachés à un cartahu (filin) renvoyé par une poulie à l’extrémité bâbord de la vergue qui le surplombe.
Au commandement, l’équipage hisse le condamné en bout de vergue, puis le largue. Il peut rester un temps variable sous l’eau, et l’opération peut être répétée jusqu’à cinq fois, selon la sentence.
Résultat: Le patient risque de périr assommé et noyé mais a en principe des chances de survie.
2 – La cale sèche.
Mode d’emploi: la longueur de cordage laissé libre est ajustée de telle façon que la chute du condamné est brusquement arrêtée avant d’atteindre l’eau.
Résultat: Le supplicié a les bras désarticulés voire arrachés avant d’être abandonné dans les flots.
3 – La grande cale ou cale par-dessous la quille.
Nécessite un peu de technique: Un cordage est passé d’un bord à l’autre sous la coque du navire. Le condamné ligoté ou enchaîné y est attaché puis jeté à l’eau. Une partie de l’équipage le hale pour le tirer de l’autre bord, en le faisant passer sous la quille.
Comme le précise l’Encyclopédie: « ce châtiment est rude et dangereux ; car le moindre défaut de diligence ou d’adresse de la part de ceux qui tirent la corde, ou quelqu’autre petit accident, peut être cause que celui qu’on tire, se rompe ou bras ou jambes, et même le cou ; aussi l’on met ce châtiment au rang des peines capitales ».
Variantes: – passage de l’étrave à l’arrière – répétition de l’épreuve plusieurs fois de suite, jusqu’à ce que mort s’ensuive 6 – Hollandais style: combiner la chute d’une grande hauteur dans l’eau avec le passage sous la coque, le condamné est ensuite hissé (la tête en bas) jusqu’à l’extrémité opposée de la vergue d’où il avait été largué de façon que l’opération puisse être répétée. Afin d’éviter une noyade prématurée, un chiffon imbibé d’huile était noué sur le visage du condamné.
Résultat: les requins se repaissent des restes.

« Representation de l’arche de Noe sur le mont Ararat » Peinture de Simon de Myle (Simone de Mijle) (actif vers 1570) 1570 Dim 114 x142 cm Collection privee ©FineArtImages/Leemage
Le supplice de la cale a été officiellement aboli en France par un décret du 26 mars 1848. Mais le monde allant comme il va, la division pour régner comme la créativité des voyous et des bourreaux , il ne suffira plus de se réfugier sur le mont Arrarat en prétextant chercher l’Arche de Noé.