Le jour du surf de Saba, John G. was on board!

Tout amateur de yacht classique sait qu’il suffit d’observer le plan de formes de Saba le Maïca, pour douter de ses possibilités de surfer. En même temps, surfer peut être une performance ordinaire lorsque la maica-sabacoque et l’allure sont conçues pour planer, comme le canote de Jean Le Cam, vieux briscards tous les 2 du Vendée Globe. Mais que, certaines circonstances de mer, de vagues, de vent et de toucher de barre, 11044964_702381993203829_2147250938004632906_nautorisent une coque théoriquement non planante – étroite et profonde par exemple, genre post couloir lesté – à partir au surf. C’est à dire rester sur la vague et même la doubler pour rattraper la précédente. Je plane pour moi! Rigolo non?

En ce temps-là, il était ordinaire de quitter Paimpol pour aller chasser les podiums dans le sud, entre Morbihan et Charente. Convoyage généralement effectué à deux équipiers. A deux car comme le précise l’une des sentences Pagan: Du monde à embarquer à la fin d’un diner parisien, beaucoup moins le lendemain.

saba-trebeurden-lezardrieux-4-et-5-octobre-2014-51Or donc, cette fois-là, nous quittâmes le havre cher à Théodore Botrel (la Paimpolaise, la falaise, etc…), franchîmes les chenaux bréhatins jusqu’au phare des Héauts dans les tout petits airs.  Petits airs nordet direct sur l’objectif penn ar bed. Avant de plonger sud dans le Four et suivre la côte jusqu’à la Richelieu d’entrée de l’ex Cougnes – les habitants se nommaient-ils Cougnus ou Cougnards, mystère – , la capitale historique de l’Aunis (cf. La Rochelle).

Pour le moment, côte Pagan oblige, c’était ma Doué beniguet. Quiet nordet travers arrière, spi gonfloté. Accélérations dans les courants ou juste étalage des susdits. Jolies complicités de courants avec, contre, traversiers où tu jongles scientifique empirique au plus ou moins pif. Incertitude certitude. Épluchage de légumes en plage arrière pour gaver la cocotte, il y a de la route quand même à faire. Non stop avant Bénodet!

Un peu montés nord pour embouquer le Four on time, capeyer du côté des Chats avant de franchir Sein. Et hop, tapis roulant, belle brise de Noroît. 20 noeuds et 30 dans les rafales. 1 ris dans la GV et le spi Lanquetot* devant. * Bertrand von Kraken surnommait ainsi le spi normand repérable aux 3 léopards sur écu rouge; spi old fashion en toile à parachute, poreuse la toile, qui autorisait à bluffer les concurrents en portant le spi au-delà du raisonnable Beaufort car l’air passait au travers!

a0ff2025bb1433b85068cff379a82d1ea1dec13bc76349105ef130c75f1bf1b7527ca4e85d54d7fd

Donc, on déboule, grosse houle moutonneuse à pousser. Montagnes russes de Foire du Trône, la fête, Saba bien tenue, ravie, tranchant les lames en se roulant pendulaire maîtrisé. Go, go, go! Ce soir Bénodet douche dodo!

Un train de marchandises d’algues et d’écumes déboule derrière, du lourd écumant, surplomb inquiétant ou presque. 

– Ça va, tu la sens celle derrière?

– Ça devrait le faire, on tape les 9 noeuds!

Et là, l’arrière est monté, claque et poussée sous la voute, modèle pousse toi de là, je suis la mer et tu n’es qu’un canote en bois! Ok, ok, Madame. Allez-y, passez devant et surtout dessous, merci.

Et c’est parti à fond. Accélération, spi contrarié de vent contraire, GV déventée. Benoît concentré fin à la barre. On ne joue plus, on fonce. Et Saba accélère dans les bulles, la vague est dessous, équilibre bizarre qui transporte le yacht, l’emporte sur son dos. L’étrave et la voute au-dessus du gouffre, entrechat chic entre lames. La vague d’étrave est au niveau du mat! Double geyser bruyant, jour de lessive Mère Denis. Saba sautille longitudinalement comme si la quille passait sur des rouleaux.

– On fait quoi ensuite, patron, lance Benoît concentré à tenir la barre dans l’axe. De tout petits coups, fins, pas trop de safran, on se colle sur la vague et la vitesse. Pas le moment de se coller en travers. Le speedo a décroché, trop de bulles ou trop de vitesse. Je ne réponds pas, fais le calme pour faire quelque chose.

img03C’est là que John s’est assis dans le cockpit, le grand John G. Illingworth. Il a observé la situation, analysé l’ambiance, les voiles modernes, le passage et le sillage, calme, peinard, british. Saba sortait de la grosse vague et fonçait toujours sur les trains suivants. Plus cool. John a demandé un scotch dans un grand verre. J’ai repris la barre et Benoît est descendu chercher scotch et verres. John a levé son verre, nous avons levés nos verres, il a bu, nous avons bu et pfouit! il a disparu. Le verre était posé, vide, sur le banc bâbord du cockpit.

– Enveloppe le verre! Souvenir incroyable!

104069199Nous nous sommes amarrés tard à Bénodet. Fatigués de mer et envie de terre., abasourdis de la rencontre posthume. Saba rangée, un ami nous a emmené en auto à Quimper. Boire un coup dans un pub. Lorsque nous sommes entrés, John était assis au bout du bar et nous observait en rigolant. Après 3 bouteilles, nous avons compris qu’il se faisait une permission de Là-Haut à l’occasion du surf de Saba. Et qu’il était content d’avoir vu ça. Ensuite, on a attaqué au gin.

John G. racontait: Je suis né dans la vallée de Malham….

Ah oui, c’est ce Saba là qui est en vente.

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Première mise à l’eau en 1964

 

 

 

 

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