La saga réellement bretonne de la crapaudine – Deuxième étape
Demi-tour dans le Four
Et hop, c’est parti, tout va bien.
Les mêmes à bord direction – obsession ? – Paimpol. Mais pas moyen d’y couper, faut faire le tour de Penn-ar-Bed. Donc, il fait beau, le yacht fait pas d’eau, go go go.
Beau décollage de sortie sous spi avec la survente de Port Navalo. Tapis, pas tapis ? Ben non, les quilles longues gitent et glissent latérales. Bôme dans l’eau qui fait lofer, le spi qui fait le mustang sauvage au risque de dégringoler le mat, le pont en super gite, passavants sous l’eau, … barre au vent pour abattre et le descendre (le vent, pas le mat ni le spi). La bôme sort de l’eau, … Marche pas toujours et là si ! On rigole, on rigole souvent beaucoup à bord.
Direct ze Teignouse. Spi toujours. Puis foc pour passer Quiberon droit Penmarch via les Glénan. Le vent tient, faiblit, remonte, travers bon plein. Saba caracole, nous on rigole. Je l’ai déjà dit ?
Un ris de confort dans la GV et les heures défilent au rythme des coups de barre. Et des coups à boire. Grosse activité aux fourneaux, l’œil perçant des mouettes planantes guette, les poissons polissonnent, les tortues de mer … ben non pas les tortues de mer.
– Mais, … ? – Où ? – Là !
Jumelles … Couvercle poubelle ronde grise. Tortuelle ou poubue ? Sais plus.
Les iles Glénan traversées au milieu, mer plate et le temps d’en dire un peu plus sur cet archipel qui fut sans nul doute rattaché à la terre.
Les traditions racontent même que les neuf îlots des Glénan étaient jadis une île
considérable : leur destruction par les flots de la mer est une œuvre géologique à laquelle les indigènes auraient assistés. On appréciera dans notre société bridée par le politiquement correct la notion « d’indigène » de Mister Élisée Reclus (1830 – 1905), le géographe libertaire. Du reste, son contemporain Paul Sébillot (1843 – 1918) ethnologue, écrivain et peintre français, abonde dans le même sens : Le souvenir du temps où cet archipel tenait au continent n’est pas encore effacé : on dit qu’on allait autrefois à pied de Beg Meil à l’île aux Moutons, aujourd’hui à une grande lieue en mer ; la Pointe de Trévignon touchait à l’île de la Cigogne et à chaque printemps une procession sortie de l’église de Loctudy à l’une des îles en suivant une allée de grands arbres.
Raison de plus pour surveiller la route au cas où la quille toucherait un clocher inconnu, un bosquet sous-marin, un volcan éteint, une amphore emphatique, le casque pointu du Celte Volant. Parole de mystificateur reconnu qui répète que les 22 mines d’uranium, dont trois à l’air libre, exploitées en Bretagne entre 1956 et 1984 par la Cogema/Areva, donnent toujours des boutons bretons.
C’est passé, archipel en poupe. Penmarch, ses balises et son foutu phare aussi haut qu’interminable à passer. La mer grossit par ici comme par habitude, vagues mouvementées qui ballotent le canote. Le jour tombe et le vent aussi.
Baie d’Audierne au près cool tout dessus et diesel Beta en appui. Surface tout juste vaguelée, sillage rectiligne made by pilote.
Devant, la Vieille, la Plate, le Chat et Tevennec s’allument bien clairs. Etale dans une heure, ça va être suppositoire montant. Marée 109.
Qui passe le raz de Sein a faim (voir sa fin c’est Sein), petit creux par le Trouziard limite mais toujours rodéo, tu te mouilles la selle d’interrogations existentielles sur le retour du mascaret finistérien. Il est fini c’terrien dit le marin.
Ensuite, on s’est laissé monter par le courant, capeyage dodo pour attendre la renverse. Suffit juste de jeter un coup d’œil de baie : Chèvre, Tévennec et Vieux Moines. Petit jour, le courant remonte le Four et le vent pile dans le pif. C’est parti le sport après le réconfort.
Accélération gitée, courant au q, un ris puis 2 descendus, étarqués, bordés, en appui sur le mat, la GV bat violente, croche ta manivelle, c’est le patron qui fait, OK c’est bon. Plus de 9 nœuds au près sur le fond !
Truc bizarre dans la barre, dure et flottante. Un œil sur l’axe : boulon de tête au dernier filetage. Bigre de bigre. Pierre, mollo, je vais chercher la clef à molette.
Pas facile facile mais je reprends 3 filetages. Pas confort.
Et ce fut le coup célèbre de la Grande Vinotière : le sous-marin ! Vent contre courant, ça s’aime pô trop. Trois abruptes traversées submergées. Le capot heureusement fermé, pas la porte mais ça aura limité les entrées.
On vide au seau, les sorties de cockpit de yac’ peu débitent.
Trois fois, trois vagues comme des chaines de montagne, adret ubac et Saba à creuser son tunnel. Nous trempés de l’eau entrée par en-haut.
Je reprends la barre, belle incidence latérale mollassonne sur le lamellé collé.
– Bon on fait demi-tour, le vent pousse, ça va le faire contre le courant. Juste choisir le bon moment. Long ce demi-tour, travers interminable, cette barre qui ne donne pas, déborde déborde, mets le foc à contre. Et vlac, l’empannage gagnant. On règle, plein vent arrière pour gratter le chemin parcouru. On avance. C’est bon.
– Véro, Pierre, je tiens Saba nez dans le courant. Si vous pouviez revisser la tête de la mèche, c’est plus tranquille. Gaffe à vos doigts. Filet après filet, on a recalé la barre.
Deux heures plus tard, Saba amarrait en jetée extérieure à Camaret. La Recouvrance en voisinage. Le vent est bien monté ensuite. On était bien. Mais la crapaudine n’avait pas encore tout dit.
Troisième étape à suivre.
Conseil de lecture avec des bateaux en attendant