La saga réellement bretonne de la crapaudine* – Première étape
Golfe du Morbihan 2005
La fête est finie et les cornes de brume, les claquements des voiles, les applaudissements riverains, le choc des verres , les échouages musicaux et les flonflons morbihannais de la Semaine du Golfe 2005 se sont calmés – éteins – tus à Vannes la belle. Saba portait encore son spi quasi d’origine en toile de parachute orné des léopards normands qui permirent à Bertrand of Kraken de le surnommer « le spi Lanquetot ».
C’est le temps du retour en sortie de la petite mer pour la remontée vers Paimpol.
Tôt lever du jour, sinusoïdes slalomées de berges et de courants, petits airs de lendemains, moteur et GV manœuvre facile, fatigue de fête de vagues, de vents, de courants, de régates et d’après régates tardives. Ça défile marée descendante, sortante. Conleau, Boedic, Dronec, Logoden et les truies d’Arradon. Elles étaient encore deux sœurs à encadrer la remontée rocheuse.
D’en bas, véronique lance : un café ?
Je lâche la barre pour attraper la tasse fumante. Et ça a fumé !
Saba part en travers entre les deux maçonneries (la mienne aussi sans cédille), un petit sursaut touché, et hop on continue, moteur inutile vu la position travers courant et une truie devant l’autre derrière **! Je me disais que peut-être la barrière était passée. Ben non, la seconde bloque la quille et la coque se couche sur tribord, grosse vague de courant de barrage sur bâbord. Sympa. Madre de dios, Santa Maria. Jusant à fond les manettes.
On va se retourner tête en bas et après on fait quoi quand ça remonte ?
Tandis que Véronique et Pierre – guides pyrénéens dans le civil – affalent la GV, je descends, réfléchis, prie Jésus Marie Joseph (et oui) et décroche la VHF, merci Joseph. Formules d’usage pan pan etc. et le poste SNSM d’Arradon répond. « Nous arrivons dans 15 minutes »
– Y-aura-t-il de l’eau encore lorsqu’ils arriveront ?
– T’inquiète, ils sont chez eux, rassure Pierre.
Une vedette et un pneumatique viennent vers Saba, gitée à 45° pas trop Celsius. La vague de barrage s’est atténuée, le niveau de l’eau baisse. Mais il y a de l’eau. Même si elle s’enfuit.
Discussion VHF : tirant d’eau, ok pour être remorqué, c’est enregistré. Ok.
Drisse tête de mât libérée de la GV, pas difficile, on marche quasi sur le mat.
Une longue amarre au bout.
Une autre derrière.
Le pneumatique passe la têtière à la vedette et saisit l’aussière arrière.
Traction latérale et coup de gite violent. Le pneumatique retient sur place pour ne pas aller se coller Dieu sait où. Un soubresaut et hop la marche rocheuse est franchie, Saba flotte droit sur l’eau calme.
– Vérifiez les fonds.
– Parfait, pas d’eau.
– Bonne route.
– Vous aussi merci beaucoup.
Un peu loin pour le bisou, font exprès, la pudeur sans doute je rigole.
Sortie – prudente – du Golfe et remontée jusqu’à Camaret directe.
* La crapaudine est la pièce de métal sur laquelle repose et tourne la partie inférieure de la mèche de safran lorsque celui-ci est dans le prolongement du talon de la quille.
** Thierry de Lille, architecte consultant en balisage, me précise qu’il s’agit de la balise Holavre ô désespoir(e)
A suivre : Camaret – Camaret et le demi-tour dans le Four